Les émotions sont au cœur de notre existence. Elles colorent nos pensées, influencent nos décisions et orientent nos actions. Pourtant, bien souvent, nous en savons étonnamment peu sur la nature même de nos émotions et la manière dont elles fonctionnent. Apprendre à les reconnaître, les exprimer et les gérer est essentiel pour mieux nous comprendre nous-même et améliorer notre qualité de vie.
Table des matières
Qu’est-ce qu’une émotion?
Une émotion est une réaction psychophysiologique intense provoquée par un stimulus extérieur ou intérieur. Elle se manifeste à travers des états émotionnels subjectifs, des réactions physiologiques dans le corps et des comportements spécifiques.
L’état émotionnel subjectif correspond à ce que nous ressentons dans le moment présent: joie, tristesse, excitation, peur, etc. C’est l’aspect le plus familier des émotions.
Les réactions physiologiques sont provoquées dans notre corps par les émotions: accélération du rythme cardiaque et de la respiration, sensation de chaud ou de froid, contractions musculaires, picotements, etc.
Enfin, l’expression comportementale de l’émotion se traduit par des actes, paroles et expressions physiques spécifiques: pleurs, rires, tremblements, cris, gestes d’éloignement ou de rapprochement, etc.
Un rôle clé dans notre survie et notre adaptation
D’un point de vue évolutif, les émotions jouent un rôle fondamental dans notre survie et notre adaptation aux conditions de l’environnement. En générant des réactions adaptées aux contextes, les émotions favorisent les comportements bénéfiques à la survie.
Par exemple, la peur nous pousse à fuir un danger imminent ou à éviter une menace. La colère stimule l’envie de se battre contre une agression ou une offense perçue. Le dégoût nous éloigne d’aliments toxiques ou de dangers sanitaires. A l’inverse, des émotions positives comme la joie encouragent l’exploration, les interactions sociales et la reproduction.
Ainsi, bien que parfois désagréables, les émotions sont indispensables à notre adaptation et notre bien-être. Sans elles, nous serions vulnérables et incapables de faire face aux aléas de l’existence.
Comprendre pour mieux gérer
Malgré leur rôle essentiel, les émotions sont parfois difficiles à appréhender. Faute de compréhension et d’outils, nous peinons à les identifier, les exprimer et les réguler efficacement. C’est ce que les psychologues appellent une faible « littératie émotionnelle ».
A l’ère des sciences cognitives et de la psychologie positive, de nouvelles approches nous invitent à explorer le vaste continent des émotions pour en faire des alliées de notre mieux-être. En apprenant à les nommer, à leur donner une place et à les orienter, nous pouvons en effet transformer notre rapport au monde et notre capacité à trouver le bonheur.
Donner un nom à nos émotions: la reconnaissance
La première étape pour apprivoiser nos émotions est tout simplement de leur donner un nom. Ce processus de labellisation affective diminue en effet l’intensité de l’expérience émotionnelle, surtout lorsqu’il s’agit d’émotions négatives.
Du corps à la conscience
En observant l’activité cérébrale de personnes confrontées à des stimuli émotionnels (images, films, etc.), des chercheurs ont constaté que le simple fait de nommer leurs émotions activait le cortex préfrontal et diminuait l’activité de l’amygdale, siège des réactions émotionnelles.
Ainsi, formuler ce que nous ressentons ferait « basculer » l’expérience émotionnelle du cerveau limbique vers le néocortex, siège de la conscience et du langage. Nommer nos émotions permettrait de les apprivoiser pour mieux les réguler.
Un baume sur les peurs
Une étude sur des personnes ayant une phobie des araignées conforte cette idée. Les participants devaient approcher leur main d’une grosse tarentule, ce qui provoquait angoisses et hausse du rythme cardiaque. Mais lorsqu’on leur demandait de décrire précisément leurs émotions, ces réactions physiologiques se trouvaient considérablement réduites la fois suivante.
Les mots apposés sur les émotions joueraient ainsi un rôle calmant sur les peurs, permettant de mieux les appréhender.
Mieux comprendre et soutenir autrui
Savoir nommer nos propres émotions nous rend aussi plus aptes à comprendre et soutenir nos proches. Un vocabulaire émotionnel riche nous permet d’identifier plus justement ce que ressent l’autre, d’y réagir de manière adéquate et de créer des liens d’empathie. En cela, l’intelligence émotionnelle participe grandement à l’intelligence sociale.
Exprimer nos émotions: l’équilibre
Une fois identifiées et reconnues, nos émotions réclament à s’exprimer. Mais toute manifestation émotionnelle n’est pas forcément constructive ou adaptée. L’enjeu est de parvenir à les exprimer de façon équilibrée et bénéfique.
La juste place de chaque émotion
Chaque émotion a sa légitimité et apporte un éclairage spécifique sur une situation:
- La colère signale un désaccord profond, une limite franchie ou un besoin fondamental bafoué.
- La peur met en évidence un danger réel ou ressenti menaçant notre sécurité.
- La tristesse révèle une perte, un deuil ou un idéal contrarié.
Il est donc essentiel de leur laisser une place, sous peine de les voir ressurgir sous des formes détournées et paralysantes (dépression, compulsions, troubles psychosomatiques…).
Néanmoins, toutes les manifestations émotionnelles ne se valent pas. Certaines s’avèrent destructrices tant pour soi que pour autrui. Il nous revient alors de les canaliser de façon constructive.
Des expressions positives
Plutôt que de réprimer ou laisser exploser aveuglément une émotion, il est possible de la reformuler de façon bénéfique. Ainsi, au lieu d’une colère hostile, on peut exprimer une ferme détermination. À la peur paralysante peut succéder une vigilance concentrée. Et la tristesse se muer en mélancolie apaisée ou contemplative.
Canalisées de manière positive et tournées vers l’action juste, les émotions deviennent de puissants moteurs d’évolution personnelle. Elles cessent d’être subies pour devenir des guides vers notre bien-être.
Réguler nos émotions: la maîtrise
Maîtriser nos émotions ne signifie pas les étouffer mais plutôt les orienter de façon à ce qu’elles servent nos objectifs. Plusieurs approches psychologiques proposent des clés pour y parvenir.
La méditation: l’observation bienveillante
Issue des traditions méditatives orientales, la pleine conscience consiste à porter son attention sur l’instant présent d’une façon bienveillante et sans jugement. Appliquée aux émotions, cette attitude d’observation permet de se distancier de leur emprise pour les considérer comme de simples évènements mentaux.
Vues sous cet angle, les émotions perdent leur pouvoir submergeant. On peut alors les laisser naître et passer sans s’y identifier ni réagir de façon impulsive. La méditation aide ainsi à rompre les cercles vicieux des ruminations émotionnelles envahissantes.
La psychologie positive: réorienter vers le meilleur
La psychologie positive propose quant à elle des stratégies pour détourner les émotions négatives et alterner rapidement vers des émotions positives.
Des interventions brèves comme la reconnaissance de points positifs, la remémoration de bons souvenirs ou l’anticipation d’événements agréables peuvent mettre fin à une humeur triste ou angoissée et ramener le moral. Des thérapies comme le EMDR ou la TCC exploitent ces « changements d’orientation émotionnelle » pour soulager durablement de nombreux troubles psychologiques.
L’approche neurocognitive: reconfigurer nos circuits
Par des exercices ciblés de conditionnement, l’approche neurocognitive vise à remodeler les connexions neuronales pour modifier durablement notre rapport aux émotions.
Par exemple, en associant systématiquement la perception d’émotions négatives à des réponses positives (respirations amples, images apaisantes…), il est possible de reconfigurer les circuits cérébraux responsables du traitement des émotions et de désamorcer les réactions émotionnelles automatiques et désadaptées.
Comprendre l’autre par ses émotions
Notre vie relationnelle est largement conditionnée par la manière dont nous exprimons et percevons les émotions d’autrui. Une maîtrise des codes émotionnels est donc indispensable pour interagir de façon harmonieuse.
Chacun ses besoins
Selon le célèbre psychologue Anthony Robbins, tous nos comportements visent à répondre à 6 besoins émotionnels universels:
Le besoin de sécurité, d’ordre et de stabilité
Le besoin de variété et de stimulation
Le besoin de reconnaissance sociale
Le besoin d’amour et de connexion
Le besoin de progresser et de se réaliser
Le besoin de contribuer à quelque chose qui nous dépasse
En cernant les besoins prioritaires de nos proches, nous pouvons ajuster nos comportements pour les satisfaire efficacement et établir des relations épanouissantes.
Les émotions, guides de nos actions
Par ailleurs, puisque nos émotions déterminent largement nos actions, prendre la mesure de celles d’autrui nous donne la clé pour comprendre et anticiper ses réactions:
La peur pousse à la prudence, à la retraite ou à l’évitement.
La colère prépare à l’attaque ou à l’affirmation de soi.
La tristesse appelle au réconfort et à la consolation.
La joie ouvre à l’échange, au partage et à la coopération.
En accordant nos réponses aux émotions perçues chez l’autre, il est possible d’établir des relations positives et éviter nombre de conflits interpersonnels.
L’intelligence émotionnelle
En définitive, savoir reconnaître, exprimer et réguler tant nos propres émotions que celles des autres pourrait être la clé des relations épanouies et de la coopération fertile. Cette « intelligence émotionnelle » s’avère aussi importante dans notre équilibre personnel que dans notre réussite interpersonnelle et sociale.